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La lune et le cyprès
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24 novembre 2010

lettre ouverte

J'ai trouvé sur le blog de Pierre Meaubé, indiqué par Jean-claude Touzeil (Biloba) cette lettre ouverte. Elle s'adresse aux poètes et pourrait nous être adressée (aux haijins) . Je la trouve énergique et belle de lucidité. Il faut un certain courage pour l'avoir écrite.
Elle a le mérite de nous faire un peu réfléchir. Servons nous le haiku et l'immortel instant ou notre propre personne, notre seul égo et ses ambitions ?

J'attends vos  commentaires.


Lettre ouverte aux poètes

Poétesses, Poètes,


J’en ai assez.
Vous me fatiguez.

J’en ai assez de recevoir des messages d’insulte parce que je n’ai pas reproduit sur Poesiemaintenant les textes que vous m’avez envoyés sans que je vous les aie demandés.

J’en ai assez de vos caprices de divas, de vos petits cris de bêtes blessées, de vos gémissements de princesses au petit pois, de vos éructations lorsque votre dernier chef d’œuvre n’a pas encore fait l’objet d’une note de lecture détaillée dans la revue à laquelle vous aviez fait l’honneur d’un service de presse mielleusement dédicacé. J'en ai assez de vos hurlements de rage lorsque vous vous apercevez que vous ne figurez pas dans telle ou telle anthologie (car bien sûr, votre premier réflexe a été de vous précipiter sur le sommaire pour y chercher votre nom).

Depuis trente ans que je vous fréquente, j’en ai assez, oui, j’en ai assez de vous. Je n’aurais jamais cru cela possible, lorsque, à 20 ans, je dévorais vos recueils, lorsque, enthousiaste mais désargenté, je m’endettais à m’abonner à toutes les revues qui me tombaient entre les mains, lorsque je relisais vos poèmes à m’en faire sauter les yeux, lorsque je les récitais à enrouer ma voix parmi mes très patients amis. Je ne savais pas, alors, qu’une formation en psychiatrie m’aurait été bien plus utile pour fréquenter certain(e)s d’entre vous.

J’en ai assez de vos sautes d’humeur, de votre flagornerie envers quiconque possède une once de pouvoir, de vos finasseries à la petite semaine, de votre misérable géopolitique, de vos picrocholins conflits.

J’en ai assez de ces Foires aux Vanités que sont devenus les mille et un « Marchés de la Poésie » de France et de Navarre, de Belgique wallonne et de Suisse romande, où l’on vous retrouve régulièrement, errant de stand en stand vos manuscrits à la main, ignorant superbement les recueils et revues étalés devant vous, sur ces tables que les éditeurs et revuistes ont mis tant de temps à installer.

J’en assez de vos querelles infinies au sujet d’une note de trois lignes à la 49ème page d’une revue publiée il y a six mois à 175 exemplaires.

Et, oui, j’en ai assez des sautes d’humeur de x, y, z …, de leurs compliments dithyrambiques suivis bien vite de récriminations et trop souvent de harcèlement.

Reste, heureusement, l’essentiel - l'essentielle : la poésie. « Cette émotion appelée poésie » disait (dit toujours) Reverdy. On la rencontre, quelquefois, au détour d’un poème, et peu importe alors qui a écrit ce poème. Elle m’a longtemps permis de vous supporter.
Plus maintenant.

Alors, maintenant, je ne veux plus connaître qu’elle.

Lire deux vers et laisser en soi résonner, longtemps, leur musique et leur mystère. Ne surtout pas chercher à rencontrer celui ou celle qui les a écrits. « Vouloir rencontrer un auteur dont on admire l’œuvre », murmurait Somerset Maugham, « c’est un peu comme, pour un amateur de foie gras, vouloir rencontrer l’oie. »

Poètes invivables, poètes indispensables. Vous êtes le sel de la Terre, vous êtes le chiendent du quotidien. Il faut vous fuir. Il faut vous lire.




Fidèlement,


malgré tout,

 

non à vous
mais à cette part d’essentiel que vous portez en vous,
et dont bien trop souvent vous n’êtes pas dignes,

Pierre Maubé.

Lundi 13 septembre 2010.







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Commentaires
P
Ma lu, m'envoie un petit message (toujours pertinant) en même temps que j'envoie le mien...<br /> <br /> J'espère qu'on trouvera un peu de temps ce Noel pour se (te) (vous) voir...merci de ta fidélité sur mon blog...il fait si froid !<br /> <br /> Phil
P
J'aime ta franchise, Martine, et ta perspicacité.<br /> Je n'ai pas lu grand chose de ce Meaubé, mais j'ai toujours eu un faible pour les grandes gueules, même si je n'ai pas cette façon de faire (d'ailleurs quand je le fais, je me gourre ).<br /> <br /> Bon, on va dire quand même, que les haijins rencontrés sont dans l'ensemble, à l'image de leurs petits textes, un peu plus modestes que les POETES. Quant aux poétesses, laissons-les à leurs<br /> corseaux fleuris.<br /> <br /> <br /> <br /> Amitié<br /> <br /> Phil (le binaire)
L
Le juge est-il digne de la justice...?
M
Je répondrai d'abord à ta conclusion :je crois qu'il faut sortir de la logique binaire :on est à la fois l'un et l'autre et selon les moments le souci de soi l'emporte ,à d'autres moments le sevice du haïku.Il faut l'accepter ,nous ne sommes pas faits d'un métal pur .<br /> Pour le reste ,heureusement que j'ai lu des textes poétiques de Meaubé avant cette lettre aux poètes et poétesses :d'abord je déteste le mot poétesse qui traîne des images peu flatteuses de vieille demoiselle récitant des vers d'une voie chevrotante devant une salle à demi-vide. Je ne sais pas si cette lettre est courageuse ,je pense qu'elle traduit un moment de fatigue et d'exaspération ,aprés trente ans passés en leur compagnie ,à titre quasi professionnel ,je crois .C'est l'overdose . Il t'arrive peut-être aussi d'en avoir assez ,peut-être pas de tes élèves mais des parents d'élèves ,aprés des années à leur service.Evidemment les poètes morts sont moins déplaisants .
La lune et le cyprès
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