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La lune et le cyprès
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13 octobre 2009

violette

la cueillir quel dommage !

ne pas la cueillir quel dommage !

ah ! la violette !

Naojo

De Naojo, il semble qu’on ne sache pas grand chose. Pas même l’anniversaire de sa naissance. Mes recherches sur le net ont été infructueuses. Quand on lance une recherche à partir de son nom dans plusieurs langues on tombe systématiquement sur ce même haïku.

A croire qu’il n’en a écrit qu’un . Si c’est le cas, qu’il dorme en paix, c’est à mon avis une merveille parmi les merveilles, comme la violette à laquelle il rend un singulier hommage.

L’hésitation du poète est touchante. On est en droit de se demander ce qu’il a finalement choisi de faire.

Je pense qu’après avoir rencontré la violette sur son chemin, Naojo, ni ne l’a cueilli, ni ne l’a pas cueilli. Mais alors ?

Je l’imagine avoir pris son petit écritoire et avoir aussitôt calligraphié son haïku.

Mais au fond peu importe ce qu’il a vraiment fait. L’important étant que depuis ce jour celui qui connaît le haiku de Naojo et les violettes se fait la même remarque. Impossible de choisir !

La laisser ou ne pas la laisser. La fleur n’est pas si rare ! Il n’y a pas vraiment de dommage pour l’espèce de la cueillir…c’est une attitude enfantine. L’autre consiste à se dire, cette vie minuscule et fragile, j’ajoute comme la nôtre, ne veut pas être tout de suite cueillie, qu’elle connaisse au moins son printemps.

Depuis que ce haïku existe, l’on ne peut plus préférer un rapport à la fleur plutôt que l’autre, même si l’on penche plutôt pour l’un que pour l’autre, car on ne peut plus se placer du côté du promeneur avide de sensation et de parfums, ni du côté de la violette qui voudrait (suppose-t-on) vivre. On entre dans un tout autre monde, je veux dire, une troisième réponse.

Abandonnant la dualité qui s’exprime dans le haïku par L1 et L2 (faire ou ne pas faire) on est conduit vers le mystère de L3 « ah la violette ! » Sa beauté, nous fait-il entendre, ne s’arrête pas à un choix. Elle est forcément plus grande que tous nos choix.

Je voudrais un instant revenir à l’expression quel dommage qui revient deux fois et qui marque bien le double regret de notre promeneur. Cependant, le vrai dommage ressenti par l’auteur me semble d’un autre ordre qu’un simple regret. C’est la beauté de la fleur le vrai dommage, si je peux m’exprimer ainsi. Oui, je prétends que la violette éveille, quitte à le secouer, le poète.Par sa contemplation peut-être foudroyante, il ne sait dire que Ah ! -On se souvient du ah matsushima (répété trois fois) de Basho, Basho qui reste sans voix devant la beauté de l’île aux pins , - Naojo nous fait part ici de son expérience poétique qui est selon moi, proprement spirituelle.

Je tiens ce haïku comme un des plus beaux de la littérature japonaise…rien de bien poétique dans l’expression, une répétition presque mot à mot de deux phrases et pourtant en trois lignes

un magnifique questionnement qui s’envole vers les réalités les plus hautes de notre condition, la contemplation d’une simple fleur.

Philippe Quinta

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Commentaires
P
Oui tu as raison Jean-Claude, cette traduction est bien meilleure...<br /> <br /> Merci de ton passage.<br /> <br /> Phil
T
Salut Phil,<br /> Très heureux de ton commentaire... Je pense, moi aussi, que ce haïku est une pure merveille. Si peu de mots pour une infinité de "lectures"...<br /> Je cherche également des infos sur Naojo, mais rien ou presque.<br /> A signaler que la version que je connais est légèrement différente, je te la livre :<br /> "La cueillir, quel dommage !<br /> La laisser, quel dommage !<br /> Ah ! cette violette !"<br /> Quand je vais faire une intervention en classe maternelle, je ne manque pas de "jouer" la scène avec les enfants et ce sont des instants de forte émotion...<br /> Voilà.
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